NOTE D'INTENTION
Réjean Peytavin, avril 2021

© Sabine Serrad

Jingjing, c’est en quelque sorte un autoportrait en série que j’ai produit lors d’une résidence de recherche à Jingdezhen (Chine) et à Limoges, en 2016 et 2017.
Alors inscrit dans le post-diplôme Kaolin à l’ENSA Limoges, j’ai eu l’opportunité, avec un petit groupe d’artistes, de résider au sein du Jingdezhen Ceramic Institute près de 3 mois. Ce séjour avait pour but de découvrir la porcelaine chinoise, et de produire des pièces au sein des ateliers d’artisans que la ville rassemble.
Ce voyage en Chine était différent des précédents : c’était la première fois que j’allais y résider si longtemps. Rester exclusivement à Jingdezhen, et ne pas voyager, cela permet de prendre le temps; celui de vivre, de se questionner, de comprendre, de s’ouvrir et «d’aller vers». Résider dans l’un des anciens fours impériaux a été déterminant dans mon approche de la céramique. J’ai très vite été impressionné par les phénomènes de production. Les artisans étaient d’une efficacité et d’une rapidité incroyable, aussi bien pour créer des modèles que pour produire les moules. Cette ville n’est foulée que par des gens pour qui la céramique revêt une importance particulière.
Évidemment, culture chinoise oblige, je remarquais très rapidement l’omniprésence de figures d’enfants et de bébés dans l’environnement quotidien. Au même titre que les animaux de l’horoscope chinois, ces Wawa se déclinent sous forme d’affiches, d’autocollants, de sacs plastiques et de petites sculptures.
Ma traductrice m’expliqua alors que l’enfant est synonyme de bonheur et de prospérité, et, qu’à ce titre, il est élevé au rang de divinité. Ces figures d’enfants permettent donc d’attirer chance, bonne fortune et longévité. Ces notions appliquées aux enfants étaient pour moi très nouvelles, l’enfance représentant plutôt l’innocence et la pureté dans notre culture occidentale.
Par chance, alors que j’explorais des usines de productions de céramique à l’abandon, j’ai trouvé quelques moules de ces Wawa. Ils étaient un peu usés par le temps et par les usages répétés, mais j’ai commencé à faire quelques tirages, dans l’optique d’expérimenter à la fois les techniques de porcelaine, mais aussi les outils que je pouvais trouver dans cette ville-atelier. Ces formes en négatif m’ont permis d’explorer le coulage, le collage, et d’une certaine manière, comme un journal intime, de matérialiser mes humeurs dans ce pays aux mœurs si différents, où je me sentais un étranger. Les chocs culturels étant fréquents, je les rendais visibles sur les Wawa (ces porte-bonheur à l’allure si joyeuse) avec un objectif de compréhension et de digestion de ces différences.
L’exposition 1 PEU + 2 JINGJING ? à l’invitation de la galerie La taille de mon âme, vise à créer un espace évoquant les bazars orientaux, où se superposent des notions privées et publiques. Ces lieux rassemblent l’espace marchand et consumériste (le magasin en lui- même), l’espace spirituel (un petit autel pour honorer ses aïeux), et l’espace de revendication politique (généralement une représentation du leader chinois). Jingjing est ici un terme générique qui englobe la marchandise, l’espace, la divinité, la politique, le leader, l’art, etc. C’est la représentation du bonheur, dans ses expressions multiples et colorées, insufflant un vent spirituel d’espérance vers des jours meilleurs.

Écoutez l'entretien réalisé avec Réjean Peytavin en podcast via ce lien : https://player.acast.com/sanstitre/episodes/rejean-peytavin ou flashez le QR code avec votre smartphone.
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